« Le bon sens est la chose la mieux partagée ».
Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Descartes.
Pour le philosophe cartésien, le bon sens serait un sixième sens dont chacun disposerait dès la naissance et qui viendrait s’ajouter aux cinq autres. Autrement dit un sens inné supplémentaire.
Une maxime rassurante selon le sens qu’on lui attribue. Cela pourrait en effet signifier que tout le monde possède cette qualité. Nous serions donc tous et toutes spontanément, naturellement, pourvu(e)s de bon sens.
Mais que met-on derrière cette capacité particulière qu’est le bon sens ?
Et qu’en est-il dans l’entreprise ?
C’est précisément l’objet de cet article.
Il n’est pas rare d’entendre certains s’exclamer, lors d’une réunion ou d’un rendez-vous professionnel : « c’est du bon sens ». Comme pour dire qu’il n’était pas forcément besoin de longs développements, de beaucoup d’arguments pour en arriver là, mais simplement de faire preuve de « sens pratique » pour aboutir à une évidence. Donc, un peu de réflexion et le tour est joué !
Le bon sens se résumerait à prendre une décision parce qu’elle nous semble manifestement la bonne, parce que tout parait irrémédiablement converger « en ce sens » ?
Avez-vous remarqué à quel point ce mot « sens » revient, à quel point il est présent, aujourd’hui, dans l’entreprise ?
Lorsque j’anime des séminaires relatifs au Changement, le sens est au cœur de tous les débats.
Souvent on reproche à l’entreprise et à ceux qui ont mis en place les changements de ne pas avoir suffisamment communiqué, de ne pas avoir anticipé comme il aurait fallu et enfin et surtout, de ne pas avoir donné du sens au changement. Et sans avoir donné ce précieux sens, on prend bien sûr le risque d’avoir beaucoup plus de réfractaires et de ce fait de ruiner un projet d’entreprise.
Pour ceux qui prennent les décisions, elles apparaissaient comme essentielles, s’imposant d’elles-mêmes. C’étaient des décisions de « bon sens ». Pour ceux qui doivent les vivre, ce n’est pas aussi facile. Ils ont besoin d’explications, qu’on leur donne les clefs qui leur permettront de comprendre et dans le meilleur des cas d’adhérer.
Si on se réfère à la fameuse génération Y, on sait à quel point cette génération est constamment en quête de sens. Pour les jeunes appartenant à cette catégorie, impossible d’être de simples sujets exécutants. Ils sont perpétuellement en attente de sens. Et qu’on ne s’avise pas de se contenter de leur dire : « tu dois le faire parce que ça fait partie de ta mission » ou pire « n’essaie pas de comprendre, fais ce qu’on te demande ». C’est à coup sûr un refus et un turn over important qui se profile à l’horizon…
N’oublions pas que « Y » en anglais se prononce « Why ». On aura compris qu’on est face à la génération du « pourquoi » et derrière ce « pourquoi » c’est bien le sens qu’on interroge.
On a beau dire que c’est nécessaire, que c’est utile, que c’est comme ça qu’on doit faire et pas autrement, cela ne leur suffit pas !
Soyons honnête… Nul besoin d’appartenir à la génération Y, pour apprécier de savoir pourquoi telle ou telle décision qui impacte notre quotidien professionnel était nécessaire. Nous avons tous et toute cette envie d’être « mis dans la boucle ».
Peut-être que, dans bien des cas, nous serions plus réceptifs si l’on nous expliquait pourquoi on doit aller dans le sens qui nous est imposé.
Le bon sens, ce serait donc, dans une situation donnée, d’aller… dans le bon sens ! Le sens, c’est à la fois ce qui est sensé, c’est à dire « raisonnable » et c’est en même temps une direction. Faire preuve de bon sens, c’est laisser parler la raison et aller dans la bonne direction.
Mais comment sait-on qu’il s’agit bien de la bonne direction ?
Toute la question est là.
Il nous arrive dans notre quotidien professionnel d’avoir des décisions à prendre, des choix à opérer… Parfois nous hésitons, nous ne sommes pas sûrs de nous… Ce n’est pas toujours facile de trancher.
Faire preuve de bon sens, serait alors se déterminer pour l’issue qui semble la plus logique. Ce serait donc cela le bon sens ? Écouter la logique qui est en nous ?
Le souci, c’est que la logique des uns n’est pas toujours la logique des autres…
Et nous n’adoptons pas forcément tous et toutes la même logique face à une situation donnée.
Pour Boris Vian, il y avait 3 logiques différentes. Et pour illustrer ces 3 logiques, il donnait un exemple assez probant : l’arrêt de bus.
Lorsqu’on se trouve à un arrêt de bus, on est parfois tenté de ne pas se contenter d’attendre patiemment. Certains estiment qu’il vaut mieux marcher en allant dans la direction où l’on veut se rendre. C’est logique de se rapprocher de sa destination, non ? Alors on marche jusqu’au prochain arrêt, avec le sentiment qu’on fait un peu avancer les choses, qu’on se rapproche du but.
D’autres, partent d’un autre principe, d’une autre logique. Lorsqu’on attend le bus… c’est le bus qu’on attend ! Donc, il est logique de se rapprocher du bus en allant vers lui. Autrement dit en allant dans sa direction, c’est à dire à l’arrêt précédent.
Enfin, il y a ceux pour qui la logique consiste à rester à l’arrêt, car en se déplaçant, on prend le risque de rater le bus…
Le bon sens consisterait-il donc à rester sur place, à ne rien faire ?
Faire preuve de bon sens, ce serait alors écouter avant tout la raison ? Faire ce qui semble le plus sage, le moins risqué ? Et, dans une certaine mesure, faire preuve d’inertie ?
Dans ce cas, avec un peu de bon sens, les inventeurs auraient-ils laisser émerger leur créativité ? Ce sont les oiseaux qui volent pas les hommes. Les avions étaient-ils vraiment nécessaires ?
Avec un peu de bon sens, compte tenu des probabilités, est-il vraiment raisonnable de jouer au loto ? Il est évident que non ! Mais allez donc poser la question au dernier gagnant de la super cagnotte qui avec deux euros a décroché 35 millions d’euros, s’il aurait mieux fait d’être raisonnable, et donc de faire preuve de bon sens, en évitant de dépenser ses deux euros !
Dans l’entreprise, on sait qu’il en va de même. Prendre des risques est parfois nécessaire. C’est d’ailleurs souvent en agissant ainsi qu’on sauve une entreprise !
A une époque où, à raison, on prône l’intelligence émotionnelle, peut-on se contenter de faire preuve de bon sens, d’agir uniquement en se fiant principalement à ce que nous dicte l’entendement ?
Et la créativité dans tout ça ? Ne doit-on pas, face à des situations nouvelles, à des problématiques jamais rencontrées auparavant, rivaliser d’ingéniosité pour trouver des réponses sans précédent ?
Le bon sens s’appuie plutôt sur l’intelligence classique, sur notre expérience et sur la sagesse, il est bien souvent incompatible avec la notion d’aventure, de découverte et finalement de nouveauté !
Doit-on alors se méfier du bon sens, d’un bon sens qui nous enfermerait dans un carcan peu propice au développement de la créativité et plus largement des organisations ?
D’ailleurs, en est-on vraiment pourvu au moment où on en a le plus besoin ? Ne fait-il pas justement défaut aujourd’hui, parce que tout va trop vite, parce que les exigences de productivité, notamment imposées par la concurrence et par la mondialisation, nous font parfois agir sans réfléchir ? Parce que le stress ambiant nous assaille et qu’il est difficile -chacun le sait- de réfléchir et de prendre les bonnes décisions lorsqu’on est sous-pression.
« Le bon sens est la chose la mieux partagée » ? Vraiment ?
Un gâteau partagé en 4, ce sont des parts confortables pour chacun. Et si on partage ce même gâteau en 100, en 1000 ? Ce seront de toutes petites parts, voire des miettes !
Il en va sans doute de même pour le bon sens. Tellement bien partagé, qu’il semblerait que chacun en ait, certes, mais un tout petit peu…
Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, ce n’est pas si grave puisque le bon sens, est, dans certains cas, utile, mais il est également susceptible de freiner ce grain de folie qui est en nous et qui -souvent- nous permet d’avancer.
Alors, qu’avez-vous décidé de faire ?
Vous restez à l’arrêt de bus en attendant patiemment ? Ou vous bougez ?
Ne partez pas déjà!
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